En 1995, les raves et les fêtes techno underground connaissent un succès croissant auprès de la jeunesse française. Mais 1995 incarne aussi un tournant répressif après des années Mitterrand plus libertaires, que Charles Pasqua, le nouveau ministre de l’Intérieur du gouvernement Juppé, incarne à la perfection. Une politique de diabolisation contre les raves débute dès lors avec l’émission d’une circulaire de l’Intérieur nommée “Raves : des situations à hauts risques”, qui catalogue alors les rassemblements techno au même niveau qu’un tsunami ou un accident type Seveso.
Début 1995, Henri Maurel, le PDG de Radio FG, est interrogé par la PJ de la préfecture de Police de Paris aux côtés de Serge July de Libération et Jean-François Bizot de Radio Nova, tous éditeurs de services télématiques (minitel et audiotel), pour « complicité passive de trafic de drogue », juste pour le fait d’annoncer les soirées, raves et autres rendez vous techno. Une répression symbolique puisque ces trois média illustrent la liberté d’expression et l’anti conformisme.
C’est dans ce contexte anti-techno que la station Radio FG coproduit avec l'American Center, une institution culturelle dirigée par Marie-Claude Beaud, l’exposition-manifeste Global Tekno. Dès cette première édition, il s’agit de montrer que la musique électronique ne se réduit pas seulement à ses seules célébrations festives et musicales, mais qu’elle est aussi dépositaire d’une culture, d’esthétiques et d’imaginaires, au croisement d’autres formes d’art.
Les différentes éditions de cette série d’expos, organisées plus tard à la Grande Halle de la Villette et au Passage de Retz à Paris, au Confort Moderne de Poitiers, au CAPC de Bordeaux et lors de la grande manifestation de La Beauté à Avignon en 2000, s’attardent sur la création graphique (pochettes de disques, affiches et flyers), le clip, la vidéo et le VJing, la photographie, parfois la mode, mais plus encore l’art contemporain et les prémisses de l’art numérique. Dès les années 1990, la techno, la house et l’electronica faisaient en effet naturellement partie du paysage sonore dans lequel évoluaient toute une nouvelle génération d’artistes pour qui cette musique constituait alors la bande-son moderniste de leur époque. Entre 1995 et 2001, grâce à l’impulsion de Henri Maurel et aux choix des curators invités comme Anaïd Demir, Christophe Vix et Jean-Yves Leloup, se croisent ainsi les graphistes Geneviève Gauckler, Designer’s Republic, Marc-Antoine Serra, La Shampouineuse, Christophe Brunquell ou M/M, des plasticiens et photographes comme Pierre Huyghe, Bernard Joisten, Caroline Hayeur, M&M’s, Invader, Emmanuelle Mafille, Saas Fee, Yoon Ja et Paul Devautour ou Christophe Démoulin, sans oublier des installations sonores ou vidéos de Jean-Michel Jarre ou Radiomentale.
Après l'Amercican Center, le Confort moderne à Poitiers, Le passage de Retz, le CAPC à Bordeaux, la Grande halle de la Villette, le Transfo lors de La beauté en Avignon et le Centre culturel français à Vienne, Global Tekno se déroule à Toulouse pour sa huitième édition. Réunissant une douzaine d'artistes contemporains nationaux et internationaux ainsi qu'une multitude de partenaires, mêlant musique, graphisme, photographie, mode, art visuel et numérique, l'exposition Global Tekno 8 propose aux spectateurs une traversée sensorielle dans l'univers visuel et sonore de la techno. Si l'exposition toulousaine porte un regard sur le passé, elle ne cède pas à la nostalgie du paradis perdu, elle s'inscrit dans le présent et se projette dans le futur.